Immersion chez les Lao au nord est du Vietnam
En septembre 2019, j'ai passé une dizaine de jours à Na Sang 1, un village de l'ethnie Lao près de Dien Bien Phu au Vietnam. L'objectif étant de mettre en place une coopérative de tissage en partenariat avec l'ONG Entrepreneurs du Monde, qui est sur place depuis plusieurs années pour mettre en place des programmes de microfinance et de développement (ils ont une dizaine d'employés vietnamiens). Ils m'ont aidé à me faire comprendre via une double traduction : Thu traduisait du dialecte Lao au vietnamien (seule une tisserande sur les cinq savaient parler vietnamien) et Huyen du vietnamien à l'anglais.
Surprise, la veille de mon dernier jour à 22h, Huyen m'envoie un message "tu es d'accord si la télévision de Dien Bien vient filmer ce que tu fais et les tisserandes demain ?" ! Evidemment j'accepte et prépare un peu ce que je vais bien pouvoir raconter et le résultat est ci-dessous (ils m'ont demandé de parler en français mais je n'ai pas eu mon mot à dire sur la traduction...).
Une ethnie Lao au Vietnam ?
Oui ce sont bien des femmes issues de l'ethnie Lao, mais habitant au Vietnam ! C'est en allant au Laos, que j'ai mieux compris : au Laos 53% de la population est issue de l'ethnie Lao et officiellement il y a 50 ethnies dont les HMong, les Khamu... (informations du musée TAEC de Luang Prabang) ! Ces ethnies étant au départ nomades, on les retrouve dans différents pays d'Asie du Sud Est.
Une filière textile durable existe déjà
Ma visite à Na Sang 1, m'a permis de mieux réaliser qu'une filière textile durable était toujours en place dans certains villages, mais que pour la perdurer ils avaient besoin plus que jamais de débouchées ! En effet, j'ai découvert tout un savoir-faire qui m'était totalement inconnu (et que j'allais retrouver plus tard dans d'autres ethnies).
Mon premier jour j'ai vu des fleurs de coton et comment on pouvait séparer la graine de la fleur avec une machine manuelle, fabriquée par les femmes elles-mêmes ! Pang sur la photo nous montre comment faire, cela à l'air simple mais j'ai eu un peu de mal ! C'était vraiment incroyable de découvrir toutes les étapes de filature du coton.
Je suis aussi allée récolter les plantes pour la teinture, le premier jour l'indigo, et le deuxième une écorce d'arbre pour faire le jaune ainsi que des feuilles de goyavier pour le rouge et une autre feuille pour un jaune vert.
Les jours suivant j'ai appris à faire du bleu à partir des feuilles d'indigo, du jaune à partir du curcuma et d'une écorce d'arbre, de l'orange à partir de graines de roucou, du rouge à partir de laque de cochenille et de branches d'arbre...
Pourquoi cette filière textile est-elle durable ?
Cette filière textile est durable car tout est produit sur place, à la main et dans le respect des ressources naturelles. Les graines originelles de coton sont plantées avec le riz pendant la saison des pluies (le coton ne requiert pas d'eau) et récoltées en novembre, quelques semaines après avoir récolté le riz. Aucun produit chimique n'est utilisé. Ensuite le coton est filé à la main, en dessous de la maison de la tisserande. Les plantes pour la teinture naturelle sont récoltées dans la forêt environnantes et les femmes font attention à ne pas tout prendre pour les laisser repousser. Aucun produit chimique n'est utilisé pour la teinture, c'est par l'expérience qu'elles apprennent quelles plantes utiliser pour que cela ne déteigne pas. Enfin, après avoir préparé les fils de coton, le tissage à la main peut commencer !
Cette filière textile est aussi viable car les femmes aiment tisser, d'autant plus parce que c'est une activité collective et les acheteurs se détournent de la fast fashion pour choisir des produits plus responsables.