24h hors du temps dans le quotidien d'une ethnie
Vendredi 8 mai départ de Dalat pour rejoindre Dung Kno un village de l’ethnie Cils avec lequel je développe pour trendethics un programme de tissage avec teinture naturelle !
Je retrouve Dong une trentaine d’années qui prépare ses affaires pour aller récolter le miel. C’est avec une équipe de Caritas, mon partenaire local pour trendethics que nous partons ! 5 hommes de l’ethnie Cils nous accompagnent : le beau-père de Dong : Duk, le fils de Dong : Thuyen qui va se marier bientôt, Chu Chu un voisin et Bang un ami !
Nous allons à moto jusqu’à une partie de la forêt que nous allons descendre pour atteindre la rivière ! La pente est très raide et sans sentier ... 750 m de dénivelé qui passent plus vite en glissade ! Nous arrivons sur une rivière paradisiaque, elle est basse car nous sommes en saison sèche. C’est ici que nous installons notre bivouac. Les hommes s’affairent pour installer des bâches en coupant des bambous avec leurs couteaux et en utilisant des lianes.
Puis ils préparent un feu et certains partent cueillir des légumes de la forêt pour le déjeuner pendant que d’autres pêchent des crevettes ou crustacés !
Après un bon déjeuner 100% naturel & bio nous partons à la recherche du miel ! Cette fois nous montons 500m de dénivelé en une heure, la pente est toujours aussi raide, alors il faut s’accrocher aux arbres pour ne pas glisser et prendre un peu d'élan ! Et attention aux nids de fourmis dans les arbres : surtout ne pas rester statique et regarder où l'on va.
Chu Chu a repéré le nid d’abeilles (étonnant les abeilles sont noires ici) il y a quelques temps et a marqué son nom sur l’arbre.
Pour se retrouver dans cette forêt dense on s’appelle ou on siffle. Nous arrivons à l’arbre et nous installons des moustiquaires ! Thuyen monte dans l’arbre à 12 mètres de haut avec une moustiquaire sur la tête, des gants et plusieurs épaisseurs de vêtements, et une hotte en bambou (faite à la main bien sur). Avant de monter il prie ! En montant, l'orage se fait attendre...
"Quand on va récolter du miel c’est normal de se faire piquer." Thuyen qui se fera piquer sur la main
Il redescend de l’arbre avec 2 litres de miel ! Il a laissé une partie du nid pour préserver les abeilles et aucun feu n'a été crée pour avoir de la fumée (le sol n'est pas plat et le nid trop haut de toute façon). La récolte du miel n'a lieu que trois mois par an et se fait selon leur tradition : celui qui grimpe ne porte rien & les autres porteront le matériel et la récolte.
Entre temps la pluie a commencé à tomber alors nous redescendons vite, même si on risque de glisser sur les pentes raides, ce qui m’arriva d’ailleurs (dommage il a fallu tout remonter) !
Rentrés au campement complètement trempés, chacun s’abrite sous la bâche, j’en profite pour parler à Nhi, My et Ian la fille de Chu Chu qui ont entre 20 et 25 ans. Elles ont l’air assez inquiètes de se marier (ici les jeunes se marient autour de 20 ans) et veulent parler anglais mais sont assez timides.
Une fois la pluie terminée nous séchons auprès du feu. Au menu du soir des larves d’abeilles cuisinées (c'est très bon détrompez-vous), un poulet provenant de la maison de Dong, des herbes de la forêt (que je n'ai pas réussi à reconnaître) et bien sûr du riz qu’ils ont cultivé.
Ensuite nous discutons au coin de feu, et Duk nous raconte des histoires du village. La nuit est un peu courte, le soleil se lève vers 5h et c'est un peu spartiate. Le matin Chu Chu et Duk partent chercher des plantes pour le petit déjeuner et Nhi, Ian, My les cuisinent.
Après un moment de remerciement, nous prenons une photo de groupe et rangeons le camp ! Thuyen se marie bientôt alors s’il ne laisse pas tout en ordre cela lui portera malheur.
Il est temps de remonter la pente (pas simple avec les courbatures qui apparaissent déjà), par chance le sol étant encore humide alors nous glissons moins. Il fait déjà chaud alors les 750m se font avec quelques pauses ! Je me sens dans un autre monde quand j'apprends que Thuyen cultive son riz en bas de la colline et la descend et la monte à pied très régulièrement ... une fois il s'est même blessé alors sa famille et ses voisins se sont relayés pour le porter !
De retour chez Dong, Duk et Thuyen, nous retrouvons leur famille dont le fils de Dong et la future femme de Thuyen (chez qui il ira habiter une fois marié) et je repars avec du miel tout frais et qui a une saveur toute particulière.
Vivre avec la nature pour mieux la protéger
Lors de cette expédition, j'ai pu observer cette connaissance de la forêt qu'avaient ces personnes de l'ethnie Cils. Ils m'ont montré de nombreuses plantes pour se nourrir mais aussi se soigner : par exemple en cas de blessure (j'ai testé et c'est très efficace), pour se soigner de la gale (en se lavant avec l'écorce d'un arbre) ou si on tousse (avec les feuilles de l'arbre qui soigne de la gale) ou une herbe pour dormir etc.
A la fin de toute expédition dans la jungle, les Cils boivent un breuvage : de l'eau bouillie avec du riz grillé, afin de se nettoyer le foie après avoir mangé des plantes de la forêt ! Délicieux !
Ils font toujours attention à protéger la forêt et à ne pas prendre plus que ce dont ils ont besoin. Cependant, des personnes extérieures viennent se servir dans la forêt ou la détruire sans aucun scrupule ; ainsi en 20 ans les tigres ont disparu, en 40 ans les ours aussi et depuis quelques années leur terre fertile est volée ou achetée etc.
En vivant avec eux, je suis plus que jamais convaincue que nous avons vraiment à apprendre des ethnies & des plus pauvres en terme d'écologie intégrale et qu'ils ont des solutions face aux défis que nous rencontrons.